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MES 8 TEXTES

CHEZ PIRE FICTION

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Livres Sibylle Lerouge (textes et illustrations)
1/8
Une_vie_en_un_jour
L'homme_négatif
Le_Tarot_du_Loup
Le_Chant_du_Fou
La_Métaphore_humaine
Retours_sur_terre
Temporalité
Psychic
Livres Sibylle Lerouge (cz Pire Fiction)
1/8
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 09/2006 : 1 vie en 1 jour ou la Circonvolution, récit. 54 pages.

"1 vie en 1 jour" est la tentative, drôle et désespérée, non pas de prendre vie mais de rester vivant, d'un narrateur passant en revue ses échecs et désillusions. Survivre à l'écrasement généralisé et aux entourloupes du monde actuel est le mot d'ordre. Pour cela, le narrateur s'attarde sur chaque slogan social, chaque décalage -entre le dire et le faire- qu'il entend. Le monde s'avère différent de l'image qu'il s'en était faite, et il s'en inquiète adroitement.

Par une confrontation avec les lieux publiques et les institutions qui peu à peu évoluent vers des extrémités tout en dévitalisant, il repère des points de basculement entre le monde faussement vivant et un monde bel et bien révolu, à la manière d'une entrée en un monde fantastique voire surnaturel. En analysant les expressions courantes telle que l'expression "vivre sa vie", le narrateur voit défiler la sienne, et à force de voir tomber un à un ses idéaux naïfs mais néanmoins productifs d'enfant, il décide de refuser les rouleaux compresseurs et autres lavages de cerveau.

Le constat est simple : la société et son travail de sape utilisent les mots comme une arme. Armes de vie, de mort, d'attaque comme de défense, le narrateur en les maniant à son tour, et en les retournant à l'envoyeur, restera alerte et lucide.

En effet, la circonvolution est le mouvement qu'opère le narrateur pour s'échapper des mailles du filet tendu par les mauvais sbires de petits comme de grands hommes assoiffés de pouvoir en guise de piège à toutes les singularités ou expressions du vivant. En somme, c'est un mouvement d'analyse, de réflexion, de contre-pieds, d'insoumissions physiques et psychiques qui prend la forme d'ironies salvatrices, d'épingles tirées du jeu, de révélations des paradoxes du monde.

Sibylle Lerouge signe-là son premier livre diffusé. Très favorablement accueilli, "1 vie en 1 jour ou la Circonvolution" touche par son esprit d'à-propos : chacun s'y retrouve. Chacun a porté en lui, un jour, ces mêmes germes de révolte prenant leur source de détails et clins d'oeils. Le ton de ce livre est exacerbé, juste, imagé et percutant.

Extraits

Page 12 : "Téléphone portable lourd de sens, arme du chasseur-supérieur qui vous débusque jusque derrière la photocopieuse pour vous asséner le coup fatal. Ligoté au badge-passe qui n'est pas là pour vous servir, mais qui vous attache à lui, comme une chaîne anodine. Une caméra pour se prévenir de toute intrusion qui suit paradoxalement l'autochtone à la trace. Il règne dans les couloirs d'entreprise une dictature des images et des mots. Toujours un collègue pour vous demander : "Alors, la vie est belle ?".

Page 48 : "Le bon temps était et se payait. Les soldes soldées. Le remue-ménage entraîné assimilé à du vide grenier. "Je jette ce que j'achète, j'achète ce que je jette". Brocante perpétuelle. Les cours n'avaient plus cours. Ce qui n'était pas à la mode était branché. À force de pirouettes, effectuer des entorses aux contorsions. Les avocats au coeur de l'îlot comparés à des acrobates "dans un monde où tout va de plus en plus vite" comme se plaisent à le répéter les assurances-vies."

Page 13 : "On m'avait volé ma naissance, puis ma vie. Coupée la branche sur laquelle je prenais appui. La famille dissoute insidieusement par l'implantation débordante de la télévision, le drapeau du chômage outrageusement agité, les prisons auto-infligées. Un rapide tour d'horizon avait suffi. Parmi toutes ces suffisances et auto-suffisances qui tapissaient les esprits. Etait-ce pour m'entendre dire "Puisque vous êtes en retard, sortez !". Etait-ce pour recevoir comme pendant à chacun de mes élans une menace, une lettre de radiation ? Puis, m'entendre dire et montrer que, faute d'argent au départ, je ne peux prétendre à rien. Ni voyages, ni changements autre qu'intérieurs. Tout était dans la formulation. Puisque j'étais condamné au sur-place, je choisirai ma place forte, et la circonvolution."

 

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03/2013 : Psychic. Roman. 66 pages.

"Psychic" raconte la métamorphose de Sérafina, passant de jeune fille amoureuse et bourreau de travail à justicière éprise de renouveaux. À force d'être niée psychiquement et maltraitée physiquement, - la réalité ayant tendance à lui nuire -, elle décide de sauver son âme et sa peau. En affrontant directement ses ennemis et ses peurs. Désormais en réaction, elle se lance dans l'action vive : révolte ou vengeance ?

Pour Sibylle Lerouge, "Psychic" est le texte le plus libérateur, celui où elle a pu prendre le plus de libertés, "sauter le pas", que ce soit dans le sujet ou dans l'écriture. Par une inclusion de courts poèmes et courts essais, étoffes soyeuses et surprises à la fois. Par une palette de réflexions sur la séduction, la solitude, mais aussi et surtout sur l'amour, le travail et la notion de contrat qui leur est associée. Le contrat lie deux êtres de manière affective et financière à une instance salvatrice ou destructrice : quand s'opère le glissement de l'une à l'autre ? Comment passe-t-on des sphères du "faux" à celles du "vrai" ? Le sentiment de sécurité ne tient souvent qu'à un fil ténu.

Le titre "Psychic" traduit ce qui mène la danse, notre vie, notre être, notre première substance. Cela résonne comme une promesse. Et évoque par contraste le sème du physique. "Psychic" est ce qui nous renvoie à nous-même, au miroir qu'est la Psyché. Et physique et psychique sont liés, interagissant l'un sur l'autre, dominant ou subissant l'autre.

Dans ce roman de Sibylle Lerouge, le psychique prend forme littéralement en devenant un personnage à part entière, "Ego". L'intériorité pure s'extériorise. En un feu d'artifices de sens, sens gorgés de sang comme un sexe en érection. La narratrice lutte pour exister pleinement dans sa chair et sa pensée. Refusant d'être une proie et de subir les contradictions des puissants, hommes ou femmes, et les décalages entre leur visage de Bouddha et leur coeur de serpents.

Un constat : L'excès de psychisme peut nous perdre mais aussi et surtout nous sauver, il ne faut pas l'oublier. Entre le rôle qu'on veut lui faire jouer et sa vraie personnalité Sérafina veut définitivement faire pencher la balance du bon côté (elle rejette l'idée d'incarner les fantasmes violents ou d'être prise dans les rêves stratégiques des autres).

"Psychic" oscille entre réalité crue et imagination débridée. Du profond au sensitif. Dès sa sortie, ce roman a fait l'objet de deux lectures publiques. À cette occasion, Sibylle Lerouge remercie Maxime Richard et Myriam Mairey pour leur soutien et l'ensemble du travail de fabrication et de diffusion accompli autour.

Extraits

Page 8 : "Je m'appelle Sérafina, un vague hommage de mes parents à la musique gothique, je vis dans un monde de brutes, et l'on me demande sans cesse de la douceur. De moi l'on dit que je suis assidue, et dans "assiduité" j'entends le mot acide. Depuis quelques temps, j'ai un goût métallique dans la bouche, un peu comme ces fakirs qui avalent des lames toutes crues, pour ma part ce sont des couleuvres qu'on m'a enfoncées de force dans la bouche jusqu'à ce que littéralement je me vomisse."

Page 17 : "Si la tempête dégénérait, à quel moment pourrais-je me résoudre à quitter l'entreprise en sortant sans l'autorisation de Phéco ou Naxon, quitte à braver peut-être le pire, l'effondrement d'un arbre, une toute autre tragédie insoupçonnée qui s'abattrait sur moi beaucoup plus matérielle que psychique ? Même si ce n'était pas mon cheval de bataille, mon travail n'était pas non plus ma bête noire. Du moins j'aimais à le penser. Entre le sablier, grains de sel, "chaque grain de sable est un grain de vérité", et le compte à rebours, les minutes, les heures égrenaient des chapelets d'euros qui passaient de l'entreprise à ma poche retournée tel un panier percé."

Page 34 : "C'est en quelque sorte, ces allées et venues des êtres de passage, dans l'enceinte du café, une mini-expérience de la Perte. Je ressens le vide de leur disparition, je me sens moi-même en devenir "Être de passage", je suis témoin, acteur et fantôme du vide que j'entraîne dans mon sillage croisant lamentablement des ombres sans lendemain ni consistance. Personne n'a rien à se dire, personne ne fait attention à l'autre, on ne retient que le temps d'un clignement d'œil, la beauté d'un cul, la force d'une poignée de main, la miette que notre voisin a laissé tomber de son pain."

Page 54 : "Je sais que je ne ferai plus jamais l'amour. Alors je lui propose. Avant d'en oublier même le nom. Il accepte sans hésiter. Nous nous allongeons dans la camionnette à côté d'un corps déjà mort, et Loyd retire mon pantalon très rapidement, il ôte ma culotte, et bande déjà. Son sexe tendu est dur et froid. Il me l'offre généreusement, comme un droit mais est-il conscient de me donner une partie de lui, est-il conscient que je lui suis reconnaissante même si à cet instant il pense surtout à son propre plaisir et uniquement à lui."

 

09/2010 : Temporalité ou l'Âpre Soleil Vengeur. Récit. 113 pages.

Quand la vie ne prend de sens que par le biais du fait divers, se résumant à un court épilogue, une pirouette absurde du destin. Quand la vie prend tournure de fait divers, insidieux représentant de l'aboutissement de toute une vie, son dénouement fatal. "La réalité dépasse la fiction" et vice-versa.

Dans ce livre, le fait divers confine au surnaturel, à la science-fiction. Le narrateur est effacé du monde ; en raison de la place débordante que prend ce dernier, écrasant l'histoire plus personnelle. Ce personnage, "Adrien Moderne", essaie de remonter à la surface, de ne pas être qu'un chiffre dans les statistiques, qu'un spectateur. Même si on le force à regarder des réalités qui sont toujours autres que la sienne, il ne souhaite pas pour autant fermer les yeux, bien au contraire. 

La "grande histoire" qui surplombe la petite empêche le narrateur de voir en face la réalité du monde, donc l'histoire avec un grand H, paradoxalement. Et le héros se retrouve à capter coûte que coûte l'air du temps, pour survivre.

Le fait de vivre entouré de ruines, en rescapé de la société moderne et de l'œuvre saccageante du temps. Il est comme touché indirectement par les incidents, les marques et messages du temps, y compris psycho-généalogiques.

Le microcosme rejoint le macrocosme, "tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas". La théorie du chaos : un bruissement d'ailes de papillon entraîne un tsunami à l'autre bout du monde. Tout est lié. Même si le héros est seul, il est concerné par tout ce qui l'entoure ; le diable étant dans les détails. 

Dans ce récit, le moindre souffle contamine les évènements et les précipite vers une chute qui se voudrait rédemption. Mais la fin d'une histoire, l'accomplissement d'une vie ne se lisent, de nos jours, qu'au travers des dépêches des journaux et ne représentent plus la linéarité, l'aspect continu des expériences, nécessaires au cheminement initiatique du vivant.

Face aux changements rapides du monde, à la course vers le néant, assimilant faussement le changement au progrès, alors que tout est de plus en plus à reconstruire, le narrateur "Adrien Moderne" n'a d'autres choix que d'appréhender le monde par ses souvenirs, la télévision, la musique. Et il constate les pertes d'humanité, de Soi ; la disparition du livre, de la culture littéraire et de la transmission des savoirs et expériences de vie.

Le monde est lointain. Il s'effondre de lui-même, en entropie. Le narrateur tente de changer son rapport à la réalité. L'amour et la nature restent pour lui des réalités tangibles et il tend à les retrouver : suivre son intuition, être attentif à la synchronicité appelée sous un autre nom "rhizome". 

"Temporalité ou l'Âpre Soleil Vengeur" est une réflexion sur les marques du temps, et sur la place du fait divers. D'ailleurs, ce livre en évoque de réels.

Il compile des monologues intérieurs, des dialogues du vivant. De l'écriture de ce livre ressort beaucoup d'humour, parfois noir, d'analyses, de détournements de slogans sociaux et de situations. Les noms des personnages sont une fois encore issus  des rêves nocturnes de Sibylle Lerouge.

Hachures, stries du temps transparaissent dans le découpage des chapitres du texte :

Catastrophe / Maison / Famille / Travail / Écran / Chien / Rêve.

Et sont comme autant d'interfaces du réel dans lesquelles Sibylle Lerouge vous invite à entrer. 

Extraits

Page 47 : "À la télévision, tournoyait une tornade F5.

Sur la réalité incomprise, on colle un chiffre. Pour prendre la température ou mesurer l'insondable. "450 morts en moins cette année sur les routes". J'aimerais bien les rencontrer ceux-là, voir à quoi ça ressemble un village de "morts en moins" !

Au Japon, des centaines de centenaires ont disparu : un recensement en avait calculé le pourcentage, mais dernièrement il s'est avéré que bon nombre était mort, dont un momifié vivant. Leur mort était passé sous silence par leurs descendants depuis 10, 20, 30 ans, pour continuer à toucher de l'argent.

Je n'ai pas le courage de tout comprendre ni de tout retenir dès qu'il y a des chiffres, je me méfie. Tentant de les ignorer. Sur une île déserte, l'être humain emporterait une calculatrice. La vie et la mort s'en passent aisément, tandis que la réalité fait passer la mort pour la vie."

Page 55 : "M'apprêtant à repartir après mes divagations contemplatives, je me rappelle mon envie de confiture, je cherche une fenêtre sans volet, ne serait-ce que mu par la curiosité, et en deuxième lieu, avide.

Trouvant une sorte d'œil de bœuf sans paupière, je jette un regard à l'intérieur. C'est alors qu'un spectacle sans nom s'offre à  moi : des myriades de bombyx s'ébattent frénétiquement de toutes parts !

Ils ont visiblement envahi la maison. Il me faut prévenir Ange Law. Je me dis qu'elle a sans doute mal évalué le jour où naîtraient ses protégés. En tant qu'éducatrice, et maîtresse de sa magnanerie, elle a dû faire une erreur. Peut-être qu'elle a omis de les enfermer, un bocal a pu se casser. Aussitôt, je me mets en quête d'un téléphone, et je m'agite à l'image des papillons.

Surgit Ange Law.

Derrière moi. Tenant par la main ses deux filles. Je bafouille. Apparemment pressée, elle ne s'inquiète pas outre mesure de ma présence, et me bouscule un peu pour se frayer un chemin. Ouvrant la porte, tac tac, la clef a accompli son travail de clef, elle pousse un cri. Des quantités de bombyx filent dehors.

Nous rentrons tous, il faut bien avouer que c'est un spectacle grandiose et féérique. Des papillons intrépides se posent sur mes épaules, dans mon dos, dans mes cheveux. Je brasse l'air de mes mains et une nuée de papillons en suivent le mouvement. Changeant de trajectoire, au gré de mes désirs."

 

03/2010 : Retours sur Terre. Récit, suite de la Métaphore Humaine. 48 pages.

"Retours sur Terre", sixième livre paru chez Pire Fiction, est une invitation au Rêve. C'est le texte le plus proche de l'univers intérieur de Sibylle Lerouge. Même s'il mêle en substance tous les courants chers à l'auteur (surréalisme, onirique, poésie, expressionnisme, roman policier début vingtième siècle, romantisme noir voire gothique au sens de croisement entre modernité et ancien, fantasy sombre), il échappe néanmoins à la classification de genre, et s'avère être avant tout un texte original et personnel.

Par ce livre, Sibylle Lerouge opère un basculement entre deux mondes tel que le roman fantastique le prône. Basculement entre ces deux livres qui se suivent et se font écho : "La Métaphore Humaine" et "Retours sur Terre". "La Métaphore Humaine" se libère pour ainsi dire dans "Retours sur Terre". On y passe du monde soi-disant réel et concret à un univers directement onirique et imaginaire. L'auteur tente de démontrer que la réalité est relative : ce qui est rationnel pour un individu ou un groupe sera considéré comme folie par un autre être ou un autre peuple. D'ailleurs, la réalité n'est-elle pas faite que de passages entre des mondes antinomiques, dits normaux et à la fois artificiels (monde du travail, monde du chez soi) : réalités séparées ou surgissement et problématique du fantastique ? Mais au final, renverser les idées toutes faites, accepter les parts d'ombres et voir comme "l'autre face de la lune" est souvent une aventure qui vaut la peine d'être vécue même si au premier abord, on risque de perdre tout repère. C'est parfois la seule condition pour vraiment s'affranchir, parfaire une éventuelle initiation, et ainsi se connaître soi et rencontrer le Monde et l'Autre.

Par ailleurs, l'originalité de ce livre réside dans les procédés littéraires : chaque nom de personnage a été rêvé ou presque. Le style est volontairement travaillé pour créer un rythme propre à l'auteur et à sa sensibilité. Ce qui permet de faire ressortir toutes les nuances de la langue et du sujet : la poésie, le rêve. Enfin, le jeu d'invention concerne également chaque intitulé de profession qui se veut le plus improbable et le plus étrange possible. Les réalités se chevauchent, passant du coq à l'âne, entre tableau de Jérôme Bosch, film d'animation de Jan Svankmajer et personnage de la série "Le Prisonnier" tentant de se réapproprier son identité initiale et de retourner sur terre, c'est-à-dire comprendre le monde qui l'entoure et si possible, reprendre possession et pied.

En effet, "Retours sur Terre" affirme l'orientation et le parti pris délibéré de l'étrange et du mystère. Volontairement, les dédales doivent transporter le lecteur hors de son espace-temps connu, le sortir de ses sentiers battus tant au niveau de son quotidien qu'au niveau de ses lectures et références habituelles. Il s'agit d'une visite guidée dans un monde, un cabinet de curiosité ou un musée imaginaire, entre lucidité accrue et folie sans filet. Pour ce faire, Sibylle Lerouge vous transmet ce mode d'emploi : Imaginez que vous n'ayez jamais entendu parler d'"Alice au Pays des Merveilles", que cette œuvre ne soit créée que demain ou avant-hier, que personne ne vous l'ait lu dans votre enfance, que vous ne connaissez pas de produit dérivé Disney telle la peluche de chat du Cheshire, et que l'ensemble ne soit passé ni dans l'imagerie enfantine ni dans l'inconscient collectif : comprendriez-vous ce livre aujourd'hui ? Rien n'est moins sûr. Sibylle Lerouge a donc voulu créer des figures personnelles, nouvelles dès la racine.

Dans le titre réside un paradoxe sous forme d'oxymore latent : le récit s'éloigne à première vue du monde réel mais pour mieux y rentrer : il forme des entrelacs entre faits réels voire divers (évoquant des fossés, des contestations et fractures sociales) et les rêves nocturnes et éveillés ; les titres de chapitre sont paradoxalement simplifiés : "Ville en travaux" ou "Sortie". Retours sur Terre en guise de départ vers l'Imaginaire... Le personnage de "Personne" cherche toujours son amour, Aurore. Il erre comme un fantôme ou un médium hypersensible percevant plusieurs réalités ou mondes parallèles existants ou préexistants ; une multitude de lieux, d'actions éphémères l'emportent vers la reconnaissance. À force de déboires, chômage, soucis et maladie, un ailleurs s'ouvre à lui où il peut se réinventer totalement. Ce livre est un récit condensé de tous les possibles en littérature comme des êtres entre deux mondes dont seule une personnalité médiumnique peut avoir la prescience, ce qui les rend évanescents mais forts en potentialité. C'est également un récit sur les doubles (sosie, contraire, doublure), et le dédoublement. "Retours sur Terre" déconstruit le "qui, quand, où, pourquoi, comment", et tente de redéfinir un nouveau monde sans structures ou références, comme lorsqu'on découvre un nouveau continent : pas de nouveauté sans cela.

 

Extraits 

Page 29 : "Le 23 mars en périphérie.

Je reprends le chemin pour me retrouver. Me refaire une âme, un esprit et un corps. Dans la rue de la Maison Argent. D'autres maisons archétypales : Une maison de films d'horreur. Avec de fausses toiles d'araignée. Et un arrosoir-alarme. Une maison de blancheur immaculée. Une maison trouée de fenêtres-records. Un peu comme les bénéfices records du Centre des Affaires. D'ailleurs, dans la rue, il y a du grabuge. Une foule compacte vient de manifester. Contre les Patrons en souffrance. Du feu au loin. Des fourches et du blé rouge. Au sol.

Une maison avec une tour en colimaçon. Le Centre de Recherche de la Paralysie Durable. Mercure, à l'occasion, y conférençait. La plaque, tombant en lambeaux, indique le Centre. C'est un miroir. Où est gravée une tête de mort. Un croisement d'os sous le menton. Signe de latence. Moi, Jacques Aigle, je me regarde en passant. Et sur la plaque réfléchissante, je constate que je suis très jeune. J'étais persuadé d'être vieux. Comme quoi..."

Page 36 : "Jeudi 26 mars, au centre.

Je n'avais pas pour habitude de discuter. Apparemment, ce genre de Semblables avaient besoin d'huile sur le feu pour continuer à exister. Ils alimentaient la machine par leurs comptes rendus. Plus ou moins de fioritures. D'ambages. On leur prêtait une âme d'artiste. À la manière des anciens ambassadeurs au style ampoulé qui soignaient les pourparlers. Et griffonnaient élégamment sur le papier. Courbures et courbettes.

Ils ne firent pas l'effort de m'accompagner jusqu'au bout. Leur attention était monopolisée par les débordements entre patrons et employés. Se renvoyant sans cesse la balle. Culpabilité pécuniaire. Il n'y avait plus assez, alors on accusait tout le monde de vouloir trop. L'éternel problème du compte-gouttes ou du robinet. Ouvert ou fermé. Si simple et si compliqué."

09/2008 : La Métaphore Humaine suivi du Livre Parlant. Récits. 59 pages.

Ce livre composé de deux parties est un hommage voilé à mon auteur favori Gaston Leroux, et indirectement au roman populaire fin dix-neuvième début vingtième. En effet, cet écrivain m'a donné le goût de l'inventivité en écriture, et ceux qui l'ont lu et apprécié sa prolixité, et surtout la beauté littéraire de chacun de ses titres (titres de chapitres compris) ne me contrediront pas. Rassurez-vous, cela n'est pas d'un roman poussiéreux dont je vais vous parler :

La Métaphore Humaine. (43 pages).

"Le premier récit "La Métaphore Humaine" est le premier écrit de Sibylle Lerouge intégrant "Personne", son personnage fétiche et donc récurrent. Évoquant l'idée d'absence d'identité et de reconnaissance, cet être évanescent et à la fois palpable jusque dans l'intime fait écho au "Sans titre" des oeuvres d'Art.

À travers un semblant de "road-movie" urbain, Personne, jeune homme libre et curieux, erre entre un café et un lieu d'exposition, entre un squat et une agence Anpe, accomplissant des voyages dans l'espace-temps aussi improbables qu'impromptus, tel un Ulysse moderne.

Les scènes du livre, au léger parfum cinématographique, se succèdent à la vitesse des mouvements de son corps en proie à l'altération physique et mentale du monde et de ses proches. Il perçoit la fuite de son amour, le changement de visages et de repères qui, pourtant, se voulaient éternels et intemporels.

C'est la figure de l'Homme qui est interrogée et explorée : quels visages peuvent prendre le narrateur, les personnages secondaires, l'être humain sur le papier ? La chair incarnée dans le Verbe comme création, oeuvre du temps fuyant l'espace du dedans.

Sibylle Lerouge a animé son personnage de ses propres réflexions sur le temps, sa génération de trentenaires, son quotidien, sur un monde qui se donne et qui, dans un même temps, nous fuit, nous tue en nous refusant son accès. D'où l'importance des descriptions de lieux, cages, portes, ponts, silences ; véritables mythologies contemporaines dont les Dieux sont absents mais où le vide règne.

Le style est moderne et à la fois ancien, ce qui est la définition du "gothique", entre cyber-punk et romantisme noir, Stephen King et roman balzacien. Le ton est vif et drôle, l'angle de vue est perspicacité, les mots sont riches et ciselés.

Enfin, la pertinence du sujet et l'alliage équilibré du fond et de la forme inscrit "La Métaphore Humaine suivi du Livre Parlant" comme le texte de Sibylle Lerouge le plus abouti."

Extraits

Page 18 : "Le bonhomme rouge m'indiquait de ne pas bouger. La règle était stricte. Je me devais d'imiter la posture droite, en rétention. L'homme vert arrivera bientôt, simulant la marche. Comme le visage rond gai ou triste qui m'autorise à consommer une substance, ou qui me dit si j'ai bon ou pas à mon exercice. Comme l'homme aux bottes de sept lieues des logos de ma ville qui semblait englober le monde d'un même élan expositoire. Ma ville avait brouillé les pistes : des palmiers en hiver, des éléphants en papier, des arbres à l'envers, des cages amusantes avec des automates qui nous regardaient consternés. Je me rendrais donc à un vernissage d'une exposition qui avait pour sujet l'homme, puisque je ne pouvais pas encore quitter la ville. La gare était fermée, les moyens de transports inacessibles. J'étais bloquée dans un mauvais film. Au passage piéton, je ressemblais à un point d'interrogation sur des points de suspension blancs, barres parallèles qui me mettraient entre parenthèses."

Page 30 : "C'est là que je vis, par la fenêtre, un visage sombre qui me fixait, immobile. Nos deux fenêtres se faisaient face et surplombaient le toit. J'ignorais qu'une sorte d'autre camp peuplait les hauteurs. Seules quelques tuiles me séparaient des regards pénétrants de l'ennemi déjà intime. J'étais comme pris dans l'oeil d'un cyclone. Considérant la situation, je nous voyais Aurore et moi faire l'amour dans un calme absolu tandis que la tempête fusait en ailes déployées comme des draps enroulés autour de nous."

Le Livre Parlant. (12 pages).

"Le deuxième récit est "Le Livre Parlant". C'est ni plus ni moins qu'un récit dans un récit. Texte "poupée-gigogne", il est a priori écrit par le narrateur "Personne", personnage de la première partie "La Métaphore Humaine".

Correspondant à une bribe de son existence, à savoir la prise d'un train, il relate néanmoins un aspect primordial de ce personnage, à savoir la quête de repères.

Le "Livre Parlant", passage textuel ésotérique et exotérique, deux facettes en une, narre les difficultés d'un personnage en butte à la prise de décisions, en proie aux doutes et aux manques : son amie n'en est pas une, son père est absent et pourtant bien trop présent car source de conflit tonitruant entre le mortifère et le vivant, puisque semblable aux éléments parents ciel et terre.

Il signe le récit des origines de "Personne", personnage clef dans l'oeuvre de Sibylle Lerouge. Là, il se nomme "Samson", comme pour instaurer une distanciation. Ainsi réside l'énigme : lequel des deux livres est le plus réel ? Quel livre est le récit authentique, celui que Personne lui-même a écrit ? Est-ce que le livre écrit par Personne parlait de lui, narrateur, ou de l'auteur Sibylle Lerouge ? Plus largement, qu'est-ce qu'un écrivain, qui est-il vraiment à travers le livre ? Le mystère resterait entier si l'intervention du lecteur n'était là pour trancher et donner vie au livre. Le lecteur comme troisième élément d'une triade sacrée : auteur, narrateur, lecteur. Et le narrateur comme étant l'intermédiaire de fortune, entre ciel et terre, entre réalité et rêve, à l'image du pendu de la carte XII du Tarot de Marseille.

Le fil directeur est à nouveau le livre, livre que Personne porte même dans sa poche. Le titre du "Livre Parlant" est un clin d'oeil également au "Livre muet" nom donné au Tarot de Marseille qui est censé, symboliquement, exprimer des idées, voire l'histoire de la Vie, mieux que des mots ne le feraient. Personne est entouré, traversé par sa passion des livres, suffisamment forte pour qu'elle en imprègne sa vie, formule ses trajectoires avant même qu'il n'en prenne conscience ; quel écrivain n'a jamais ressenti un jour que ses livres pouvaient en réalité lui dicter sa vie et non l'inverse, qu'en cours d'écriture les mots venaient parfois mystérieusement à lui comme soufflés par une entité blanche ou obscure ?"

Extraits

Page 54 : ""Le lion vert" rugissait dans ma poche. Comme une monnaie d'échange autrement ritualisé. L'argent : figurant, figurine. Figure de papier mâché dont se profile la mise à mort. Le livre commercial, avatar de Mammon.

"Samson, tu n'es qu'un fantôme, me disait ma mère, avec un sourire sadique au coin des lèvres.

Où veux-tu que je disparaisse ? Où voulez-vous que j'aille pour ne plus vous faire d'ombre ? Pour ne plus entrecroiser vos ondes, vos destinées fatales ?

Tu veux toujours avoir le dernier mot, me disait-elle inlassablement."

Regards paradoxaux du miroir qui ne veut pas révéler au-delà."

Page 55 : "Dans le silence, j'allais peut-être enfin entendre. Auguste avait perdu un cerf-volant près du château d'eau. De la fenêtre du salon où Auguste avait entassé des lettres de protestation délirantes, je voyais s'agiter ce jouet d'adulte faussement métaphysique, bête en cage, ou loup piégé qu'il me fallait délivrer. "Le virus fait sens", c'est ce que je me disais intérieurement chaque fois qu'Alice me déniait. Le cerf-volant était également une poupée désarticulée qui voulait protéger l'interchangeabilité : une katchina jouant au dieu à multi-voix. Pour étouffer ma colère, je bus l'espèce d'hydromel de mon père et totalement grisé presque factice, je sortis dans les champs OGM-isés."

 

12/2007 : Le Chant du Fou avec Axel Tristousse. Poème scandé, 27 pages.

Le livre "Le Chant du Fou" évoque les principes de leitmotivs, de ritournelles, de cycles et d'infini.

Suite à l'écriture des 22 poèmes du "Tarot du Loup" inspirés des 22 arcanes majeurs du Tarot de Marseille, l'auteur Sibylle Lerouge s'est rendue compte que cela appelait naturellement un prolongement voire un recommencement, dans le sens où l'arcane majeure 22, nommée Le Fou, dans certains jeux de cartes ésotériques, devient la carte 0, celle qui marque à la fois un début et une fin. De là, l'aspect cyclique et initiatique du tarot divinatoire, où le consultant en traversant une carte est susceptible de les rencontrer toutes, en filigrane, ou lors de son parcours de vie, lui a soufflé cette notion de répétitions : répétitions du pronom "Je" et de l'Étant qui le sous-tend, et duplication infinie et influente du monde sur chacun.

Le Chant du Fou est donc conçu comme (la poursuite d')un chemin intérieur, sur un mode léger et profond à la fois. Léger par la simplicité de la structure découlant d'un chant répétitif. Complexe par l'immensité des figures évoquées qui sont autant de doubles, de visages que le Fou s'accorde à être, se prenant tour à tour pour un objet, une expression, un ensemble ou un élément unique au monde que lui seul dans sa folie croit pouvoir incarner. Son chant flotte alors au-dessus du vide, de la poésie, en disséminant des germes d'imaginaire et de culture de l'image y compris métaphore, culture du langage et de l'écrit y compris perte de sens.

Enfin, Le Chant du Fou est écrit en association avec Alexis Trousset qui est venu mêler un contre-chant parasitant celui du Fou, le dédoublant, le complétant ou le détournant de sa voie comme une folie toujours plus grande ou une réalité se rappelant plus ou moins à nous.

Cette oeuvre est imprégnée de musicalité, de rythme et de sonorités vocales diversifiées au possible. C'est pourquoi Le Chant du Fou a été lu plusieurs fois en public, notamment par Maxime Richard et Myriam Mairey, et par le co-auteur Alexis Trousset, ce qui rend ce texte, travaillé poétiquement parlant, particulièrement déroutant, vivant et attachant.

Extrait

Page 26 : "Je suis l'ordinateur en panne je suis l'artifice de la technique je suis la constante qui rit de tout je suis la communication qui se passe du contenu je suis le fou qui se rit de l'aliéné je suis l'angoisse du matin je suis l'étoile à huit branches je suis le chantre du sexuel je suis le martingale du safran je suis l'épiderme chimique je suis la sensation de substitution je suis l'arôme E112 je suis le tour de passe-passe [...]"

 

10/2007 : Le Tarot du Loup, poèmes. 1ère édition 111 pages, 2ème édition 132 pages.

"Le Tarot du Loup" est né de l'envie de Sibylle Lerouge de revisiter le Tarot de Marseille, une œuvre dite "muette" constituée de 22 cartes ou arcanes majeurs, par l'écriture de 22 poèmes. Le Tarot lui est familier et l'accompagne de manière sous-jacente dans nombre de ses textes et peintures, sans rester à l'état statique de symboles ou de clins d'œil. Pour Sibylle Lerouge, il s'agit avant tout d'imprégnation, de sensation, de représentation mentale plus que de référentiel, de culture ou de lettres mortes. Et revisiter le Tarot était pour elle synonyme de création expérimentale à partir d'une création double, le Tarot étant de nos jours une curiosité plus qu'un savoir établi, et l'imaginaire à même d'éclore sur des terres sauvages et inconnues. Et cette œuvre est aussi pour Sibylle Lerouge une volonté de transmission et de don.

Véritable plongée dans un monde onirique, Le Tarot du Loup, récit voguant entre poésie et prose, retrace le parcours initiatique d'un personnage du tarot, celui de la carte 1, le Bateleur, ersatz de magicien ou apprenti.

Passant d'une carte à l'autre, le Bateleur, rebaptisé le Pionnier, de même que Sibylle Lerouge traverse chaque carte par le rêve éveillé, franchit des étapes de vie tout en allant à la rencontre de l'univers tout entier et révélé.

S'inspirant d'Oswald Wirth et d'Aleister Crowley pour les bases de lecture et d'interprétation du tarot, l'auteur a voulu rappeler qu'au début et à la fin de chaque création réside un mystère. Ainsi, elle s'est éloignée de l'interprétation traditionnelle au cours de ses poèmes pour y revenir pleinement dans sa synthèse récapitulative, fruit de son travail et étude personnels. Cette synthèse permet de retirer une connaissance du tarot, à plusieurs degrés, c'est-à-dire à un niveau divinatoire et spéculatif et à un niveau métaphorique et artistique. Au lecteur à son tour de s'approprier techniquement le tarot.

Le livre se découpe en trois parties : un avant-propos situant la place du tarot, les poèmes à proprement parler, et la synthèse récapitulative sous forme de clefs pour la compréhension profonde des 22 arcanes majeures du tarot. C'est donc une œuvre qui mêle clarté et imaginaire, placée sous le signe de l'"expérience intérieure". L'occasion pour l'auteur de s'interroger sur sa place d'écrivain, passée, présente et future, et pour le lecteur de puiser à son tour des questions et des réponses sur ses propres quêtes, épreuves et réalisations.

Extraits

Page 81 (1ère édition), poème carte XVIII : La lune rouge

Des larmes s'enfuient comme le sourire d'un chat

Des ombres marchent vers un hangar sans paroi

Des poissons pris dans la glace du canal

Issus d'un savoir multiple et horizontal 

Page 86 (1ère édition) poème carte XIX : Le soleil noir

Le soleil noir surgit des cendres encore fumantes

D'un bûcher hypocrite, d'odes mortuaires,

Et l'arme circonvoluante amène à la transition

Sans subir de plein fouet l'angle luminescent

Du soleil jaunissant comme une croix

03/2007 : L'Homme-Négatif ou Térascopie du Réel, courts récits. 55 pages.

Étude imaginaire des multiples visages de l'être humain ou espèce humaine. Prenant le parti de dresser une succession de portraits sous forme d'un novateur bestiaire humain, Sibylle Lerouge révèle l'esprit caché de quidams ou figures en vue. Derrière chaque descriptif, le lecteur peut y dénicher un voisin, un avocat, un homme politique ou même un proche.

La profondeur du trait est volontairement incisive voire chirurgicale, et se trouve être la seule option possible pour rendre compte, d'un point de vue littéraire, poétique et humainement sensible, des réalités psychiques qu'une science telle que la psychologie considère froidement.

L'expression des folies, passions, instincts peut prendre différents corps chez les hommes. Et à ce titre, les êtres humains peuvent paraître inhumains et monstrueux. D'où l'expression : "révéler sa vraie nature, son vrai visage", et les métaphores, ici anthropomorphismes inversés, qui assimilent les humains à des animaux faisant ressortir une particularité physique ou un trait de caractère inhabituel ou sauvage.

De là, le Térascope (dans la deuxième partie "Térascopie du Réel") s'inspire des douze signes du zodiaque et de l'horoscope. Sur ce même principe, douze signes sont détournés afin de rendre l'étrangeté familière.

À nouveau, le lecteur peut reconnaître et parcourir, dans l'ordre ou le désordre, ce catalogue de créatures caricaturales, poétiques, sombres, grotesques et inquiétantes à la fois.

Le livre "L'Homme-Négatif ou Térascopie du Réel" explore également les rapports qu'entretiennent les hommes entre eux, les hommes et leurs doubles monstrueux, féeriques ou fantastiques.

Quant à l'auteur, son expérience littéraire et vécue insufflée dans chaque coup de crayon assure à ce livre une touche inventive et non moins truculente. 

Extraits

Page 18 : "Pour l'homme-lombric, la vie des autres ne doit leur être qu'un entracte. Après tout, le but est commun. Produire. C'est à ce titre qu'il se charge de la partie représentation. Peu importe le produit. Il se peut même qu'un jour il en devienne un : du clef en main, prêt à être emballé et exposé en vitrine ou sur scène. Les vies qu'il exploite pour ce faire ne sont que la partie cachée, jamais elles ne profiteront du fruit de leur travail autrement que par le droit de sortir par la petite porte une fois hors d'usage pour s'offrir une vie à laquelle elles ont rêvé en vain : elles n'auront plus la force de rattraper le temps perdu. L'homme-lombric échappe parfois à la vie de coulisses où l'épreuve est sensée résider dans le fait d'être l'envers d'un homme. Même la nature aux yeux de l'homme-lombric est chargée de disparaître derrière le décor qu'il s'impose."

Page 34 : "Le Sagitateur :

Ce caractère est passé maître dans l'art de se trouver des ennemis. Y compris dans le désert, les cheveux en bataille, il est susceptible de se trouver des sujets de mécontentement. Assidu et tourmenté, il sait s'entourer de gens concernés par le malheur d'autrui. Très mauvais en stratégie et en vue d'ensemble, il va se focaliser immanquablement sur des détails épiques. Ses tournures de langage sont assez abruptes, il n'hésitera pas à insulter sous quelque prétexte que ce soit et pourra même employer de l'ancien français pour montrer qu'il est de taille à affronter les professionnels de la pensée."

Page 28 : "L'homme-chien est toujours en colère, pour un oui ou un non, il arracherait sa chemise, ou se couperait volontiers les cheveux en quatre. En permanence, il tient ses comptes et suit de près les balles sur des terrains de foot. Comme l'homme-lombric, il ne voit pas toujours que la balle y est pareille à celle qui rebondit dans les débats politiques. L'homme canidé avale toutes sortes de pilules facilement et perd patience quand d'autres sont plus réticents. Il suit l'homme-lombric à la trace, et ils vivent en bons termes, ne serait-ce que pour illustrer le principe symbiotique au sein d'une société que l'un et l'autre ont voulu hygiéniste : même le concept de retour à la nature et l'écologisme ont un goût de liquide nettoyant."