La photographie, pour moi, occupe une place à part dans mon travail artistique. C'est, presque étonnamment, le médium dont l'usage instinctif me plaît le mieux tant il s'apparente à la saisie du réel/ prise sur le vif/inspiration dont j'ai besoin pour me sentir à l'orée de l'écriture, à l'émergence du récit. Quand j'écris, j'essaie de trouver le mot le plus pertinent, et dans une autre mesure, l'angle de vue le plus caché. Prendre des photos est un acte impromptu pour moi, même si j'affectionne quelques thèmes comme les photos d'églises, d'arbres ou de paysages bruts, et contrairement à l'usage qui en est le plus communément fait, je ne cherche ni à rendre le réel ni à dénicher le surréel mais plutôt un espace d'entre-deux. (On choisit de voir ou ne pas voir. La réalité est souvent masquée et doublement tuée par la photo. Dans le sens où la photo sera toujours un détail, une coupe arbitraire de la réalité jamais fidèle, toujours détachée). Ce qui m'attire et me comble dans la photo : voir, découvrir, mais aussi opérer un basculement entre réel et irréel, en quelque sorte révéler l'invisible. Pour ce faire, la technique m'importe peu, je compte toujours sur la force de l'instantané, l'instant présent et la puissance de l'évocation recélée. Ce qui m'intéresse également c'est l'histoire improbable que l'on peut faire surgir de la photo et le travail intérieur et imaginaire qu'en l'occurrence elle permet.
